« Pas de qualité de vie au travail sans dialogue sur la qualité du travail »

Yves CLOT - CNAM

Témoignage de Yves CLOT – Professeur émérite en psychologie du travail – CNAM

La qualité du travail dans les organisations est de plus en plus prise en compte dans les approches globales de Qualité de Vie au Travail. Mais la définition d’un « travail bien fait » peut être bien différente selon le poste que l’on occupe.
Yves CLOT défend l’idée selon laquelle ce conflit de critères inévitable est une opportunité de progrès.

Qu’est-ce que selon vous un travail « bien fait » ?

Un travail bien fait, c’est un travail dans lequel on se reconnait, qui est défendable à ses propres yeux. Mais sa définition varie avec la place qu’on occupe dans l’organisation. Ce que les opérationnels de première ligne peuvent juger « ni fait ni à faire » peut pourtant être regardé comme la moins mauvaise des solutions compte tenu des contraintes, par la ligne hiérarchique. Et inversement selon les circonstances. Les critères utilisés s’opposent souvent selon l’activité de chacun. Quand il engage des valeurs, ce conflit là peut devenir destructeur.

Ces conflits sont naturels dans le travail ordinaire, à quel moment deviennent-ils préjudiciables pour la santé ?

Il est effectivement normal de ne pas avoir exactement les mêmes critères de qualité du produit, de délai de réalisation ou de préservation de la santé, par exemple. Mais les soucis commencent avec le déni de ce conflit, quand il n’a pas droit de cité dans l’organisation. Ce qui est discutable doit être discuté. Sans ce dialogue avec la hiérarchie, ou même entre collègues, le travail se dégrade. La délibération sur ces conflits de critères est un gage de santé et d’efficacité au travail car elle évite beaucoup d’autres conflits « empoisonnés » dans les organisations.

Les plans d’actions QVT se multiplient dans les entreprises, et pourtant les risques psychosociaux explosent. Pourquoi ?

Penser que l’on va agir sur le bien-être au travail avec une table de ping-pong ou des services de conciergerie est une illusion. Le mal est plus profond. La redéfinition en commun du travail bien fait est la meilleure des préventions. Même pour la santé publique. Pensez aux effets du travail « mal fait » sur nos vies, à la qualité des produits, des médicaments ou des soins, de l’alimentation, de l’air que nous respirons ou à la fiabilité aléatoire des services… Trop d’entreprises sont à découvert sur cette question car l’expérience de ceux qui travaillent n’est pas prise assez au sérieux. Face à la qualité empêchée, le dialogue sur la qualité du travail permet de découvrir des solutions auxquelles personne n’aurait pensé avant. C’est la source de la santé au travail.

Pour en savoir plus
Venez échanger avec Yves Clot lors de sa conférence « Qualité de vie au travail et Qualité du travail » : conflits et dialogue le jeudi 23 mai à Préventica Paris.